jeudi 19 mars 2015

Journal d'Henriette 21 - 31 décembre 1903

21 décembre 1903

Enfin ! Il a cessé de pleuvoir ! J’ai brodé une nouvelle pochette pour Mme Sales.

22 décembre 1903

O bel astre ! Qu’il était temps de te voir réapparaître ! J’ai reçu la visite de Mme Sales, de Maria et de sa tante. Mon frère étant en manœuvres à Clermont, petit Père a été le voir, ce qui a été une vraie joie pour tous les deux. Mais, de retour, le temps étant très obscur, Papa s’est laissé tomber et s’est emporté toute la joue droite. C’est bien le cas de dire qu’il n’y a pas de bonheur parfait en ce monde.

23 décembre 1903

Encore une belle journée. Mais à cinq heures, le ciel s’est couvert d’épais nuages. Fera-t-il beau demain ?

24 décembre 1903

C’est le déluge universel ! Les chemins sont transformés en torrents ! Tout est submergé ! La voie qui est notre chemin de ressource en temps de grosses pluies ressemble à une rivière. Adieu notre belle fête de Noël ! La famille Viguier est montée à la campagne, mais à neuf heures, j’ai dû me retirer tant je souffrais de mes engelures. Pour la première fois que j’en ai, je suis généreusement servie ! Bon petit Jésus, quelle vilaine nuit vous avez choisie pour venir en ce monde ? Laissez-moi espérer que les cœurs qui auront le bonheur de vous recevoir seront un peu plus chauds ! Quant à moi, puisque le bonheur de vous posséder m’est refusé, je vous prie, cher petit Jésus, de venir dans mon pauvre et triste petit cœur, par votre Sainte grâce.

25 décembre 1903

Mon soleil radieux salue cette belle journée. Maman, mes sœurs et moi sommes allées à la grande messe. De retour à la maison, nous y avons trouvé Hippolyte Lonjon qui venait nous présenter sa femme. Elle me paraît fort gentille. A cinq heures, nous avons été les raccompagner à la gare.

26 décembre 1903

Quelle belle journée ! Mais, si le ciel était sans nuages, nous étions bien soucieux. Monsieur V. a été vendu. Ce qui fait que le vin qui est dans la citerne va partir pour Cazouls. Espérons qu’encore une fois nous en serons quittes pour la peur. J’ai reçu la visite de Maria et de sa mère. J’ai remis à mon amie une lettre anonyme que l’on m’a envoyée, et dans laquelle l’on me fait part de son mariage avec Louis Christol. Nous en avons ri ensemble. Moi qui croyais aller à la noce, j’y suis pour mes frais.

27 décembre 1903

Aujourd’hui j’ai une intention particulière dans mes prières pour Géo. Il a 21 ans. A l’occasion de son anniversaire, je lui ai envoyé une très jolie carte. L’après-midi, j’ai été à Pézenas avec Mme Sales. J’ai passé deux heures charmantes au couvent. En arrivant à la maison, quelle n’a pas été ma surprise d’y trouver Madame et Monsieur V. Notre expédition à Cazouls n’a pas réussi. Les futs ont été saisis. Et le vin qui se trouve dans la citerne va aller à l’Hérault. 700 hectolitres ! Quelle perte !

28 décembre 1903

Journée triste.

29 décembre 1903

Henri Sales arrive ce soir pour les vacances du jour de l’An. Hélas ! Elles s’annoncent bien tristes !

30 décembre 1903

Mon frère chéri est ici ; quel bonheur !

31 décembre 1903


Journée pluvieuse. J’ai reçu une très jolie carte de Mimi-Loulou et de Géo. Soirée charmante passée en famille. J’ai fait une manille avec Louis, contre papa et Claire. Ils nous ont brossés dans les grandes largeurs ! Voilà 1903 d’enterré ! Que 1904 nous soit plus favorable !


Si la fin de l'année est pour nous synonyme de fêtes, victuailles et cadeaux, c'est loin d'être le cas en Languedoc à la veille de 1904. Le père Noël n'a pas encore été inventé ! 
On sent bien les inquiétudes liées aux conséquences de la baisse de la taxe sur le sucre : le vin jeté dans l'Hérault...
Ce qui me frappe, c'est le froid, les engelures... La maison n'est visiblement que très peu chauffée.. Et les chambres ne le sont sûrement pas. 
Sur la photo : Louis et Claire, le frère et la soeur d'Henriette

dimanche 1 mars 2015

Journal d'Henriette 11 - 20 décembre 1903

11 décembre 1903

Les limiers ont été chez le ??, mais comme ils ont goûté à notre bon vin, ils ont été satisfaits de l’examen. J’ai reçu une lettre de Christ. et une jolie carte de mon cousin Henri.

12 décembre 1903

Aujourd’hui j’ai eu le bonheur de communier. L’après-midi, j’ai été au couvent. C’est toujours avec une égale joie que j’y retourne. Qui sait ?.. J’y ai rencontré Louise qui a été très gentille pour moi. Il doit y avoir du Louis là-dessous ? Encore une bonne journée de passée.

13 décembre 1903

J’ai été à la messe par une pluie torrentielle. De retour à la maison, j’étais trempée comme une soupe. L’après-midi, le temps s’étant mis au beau, toutes mes amies sont venues me prendre. J’ai préféré rester à la maison. Nous avons gardé Mme Sales. Pauvre amie ! Les peines lui ont atteint le moral. Cela lui passera-t-il ? Maman et moi avons été la raccompagner, lui faisant promettre de venir nous voir tous les jours.

14 décembre 1903

En effet, elle a tenu sa promesse ; sa figure est moins triste. A trois heures, nous avons eu la visite de Mme Pons. Cela l’a contrariée, mais la sérénité est revenue presque de suite. Le soir, nous l’avons raccompagnée chez elle. Espérons que demain elle ira encore mieux.

15 décembre 1903

J’ai reçu une ravissante carte de Géo. Papa nous a apporté un sac de bonbons délicieux. Aussi, y ai-je fait honneur ! Ma chère amie va mieux. Si cela dure, dans huit jours, il n’y paraîtra plus.

16 décembre 1903

Merci, mon Dieu ! Merci ! Grâce à vous, notre situation est sauvée. Nous conservons notre cher Arnet. Quel bonheur ! Je savais bien que vous ne nous abandonneriez pas ! Oh ma campagne bien aimée, maintenant que je sais que tu nous seras conservée, je t’aime doublement. Il me semble que je sors d’un affreux cauchemar, et que je vais retrouver paix et bonheur dans ta bienheureuse solitude. Oui, je sens qu’aujourd’hui tu es mienne tandis qu’hier tu ne l’étais pas. Encore une fois, merci mon Dieu ! Continuez à veiller sur vos enfants. Pour mon compte, je veux vous aimer tous les jours davantage ! Aujourd’hui, mon amie a eu une très mauvaise journée. Je lui avais brodé une pochette pensant que cela lui ferait plaisir ? Cela l’a contrariée. Je ne sais vraiment plus que faire pour la forcer à sourire et chasser ses idées noires. Le soir, nous avons eu une dissension avec Papa. Il ne veut pas que j’apprenne le catéchisme à ma soeurette, disant que c’est un livre inutile. Pour moi, je suis convaincue du contraire. Aussi, je me cacherai s’il le faut. Mais je continuerai mes leçons d’instruction religieuse à cette chère enfant. Ce n’est qu’en pratiquant ce que nous enseigne ce petit livre que l’on parvient à se sauver, et je veux avant tout sauver mon âme et aider ma petite élève à sauver la sienne. O mon Dieu ! Aidez-moi à bien remplir mon devoir d’éducatrice !

17 décembre 1903

Il pleut. Adieu la promenade projetée. J’ai fait les premières avances à Papa qui m’a pardonné dans un baiser les paroles piquantes d’hier soir.

18 décembre 1903

Il pleut toujours. L’Hérault inonde tout. J’ai joué aux cartes avec Papa.

19 décembre 1903

Vraiment ! C’est le déluge ! J’ai reçu une carte de Gabriel. C’est une femme à demi-nue perchée sur un rocher. On dirait un obélisque. Louis m’a également écrit. Il craint de ne pouvoir venir pour le 1er janvier. Pauvre chéri ! Quelles tristes vacances je passerai sans toi ! Soumise nous a donné deux jolis petits chiens, Philos et Saïda. Le soir, petit Père et moi avons joué aux cartes. Je lui ai gagné dix tours.

20 décembre 1903

Toujours de la pluie !

Sur la photo, c'est la petite élève dont parle Henriette : Claire, sa petite soeur (1890-1966). Ici vers vingt ans.