11 octobre 1903
Ce matin, je me suis levée à 7 heures moins ¼ pas trop
fatiguée de la veille. Le matin j’ai entendu la messe à l’église des Pénitents à
Montagnac. J’ai fait la connaissance de Mme C. elle m’a produit une très bonne impression.
A 11 heures nous sommes retournées à la campagne pour dîner ; le repas a été
presque triste car les messieurs étaient allés à Béziers voir une course de
taureaux. L’après-midi nous sommes allées à Montagnac ; nous nous sommes
baladées tout le temps sur l’esplanade en compagnie de Laure Villa et Jeanne
Valat cousines de Louise. Le soir, j’ai eu le plaisir de revoir Louise Cabanis,
charmante jeune fille que j’estime beaucoup. A 7 heures nous avons repris le
chemin de la campagne. Notre soirée musicale fut de courte durée.
12 octobre 1903
Je puis dire que c’est une des plus agréables journées
de ma vie ! J’ai fait plus ample connaissance avec Mme et M. C. Au premier
abord, ce monsieur a l’air très froid ; il m’intimidait beaucoup.
Maintenant que je le connais mieux, je le trouve charmant. Nous avons été toute
la journée les meilleurs amis du monde. Ah ! L’aimable caractère !
Toujours un mot pour vous faire rire ! Le matin, Louise et moi sommes allées
à Montagnac prendre sa cousine Louise Cabanis. De retour à Campaussel, nous
avons pris part à la conversation générale. Pendant le dîner le papa C. qui ne
me lâchait pas a voulu être placé auprès de moi, ce qui nous a permis de
deviser ensemble tout le long du repas. Après dîner nous avons organisé une
petite sauterie. Le papa C. a dit qu’il faisait grève si je ne dansais pas.
Pour lui être agréable, j’ai cédé le piano à sa femme et ai dansé presque tout
le temps avec lui. Ma foi, vu son âge, il est fort agile. C’est, après Louis,
le meilleur danseur de la bande. A 5 heures, à son grand regret, il a dû
retourner à Montagnac ; il a emmené sa femme et Mlle Louise Cabanis avec
lui. Ne perdant pas de temps, nous nous sommes remis à jouer de plus belle. M.
C. a déclamé avec beaucoup de goût quelques beaux morceaux ; entre autres : la mort de Jeanne d’Arc. On se serait cru à la Comédie Française ! Je leur
ai servi : Si j’essayais. Cela a fort amusé mon indulgent auditoire. Puis
nous nous sommes donné la réplique dans quelques morceaux classiques. Gaby nous
a dit : la leçon d’amour c’est assez nigaud !
7 heures ½ sonnaient lorsque nous nous sommes mis à
table. A 9 heures nous avons été dans le jardin pour jouer au loup et à l’agneau.
Puis nous avons fait une grande partie de barres. Aux exercices du corps ont
succédé ceux de l’esprit. A 2 heures du matin nous quittions la salle de jeux
pour aller réveillonner. Ce réveillon a été tout ce que l’on peut trouver de
plus divertissant ! La maman Lagarde riait aux éclats. Louise et moi avons
fumé trois cigarettes chacune. C’était un feu croisé de bons mots, d’histoires
drôles. La gaieté la plus franche régnait parmi nous. Jamais je n’avais vu Gaby
faire le bouffon comme ce soir-là. Il était désopilant ! A 3 heures ½,
nous avons vite mis une petite sauterie en train. Au moment d’aller nous
coucher, Gaby a recommencé un
e scène de bouffonnerie qui le rendait presque grotesque. Quelle désillusion ! Moi qui le croyais si sérieux ! Ah ! On a bien raison de dire qu’il ne faut jamais se fier aux apparences ! Il était 4 heures ½ lorsque nous sommes rentrées dans notre dodo, vannées de fatigue mais gardant le souvenir de cette bonne journée. Je me souviendrai longtemps de cette nuit du 12 au 13 octobre !
Le poème que déclame M. C., La mort de Jeanne d'Arc, est un poème patriotique extrait des Messéniennes de Casimir Delavigne et publié en 1818. Casimir Delavigne (1793-1843), totalement oublié aujourd'hui, était encore au début du 20e siècle très présent dans les manuels scolaires.
Sur la photo, au centre, Henri le père d'Henriette. Derrière lui, la main sur son épaule, Louis, le frère d'Henriette.
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