mardi 16 décembre 2014

Journal d’Henriette 10 octobre 1903

10 octobre 1903
Je me suis levée avec mon amie à 6 heures ½. Nous avons été voir en compagnie de M. Lagarde, Gaby et Louis la demeure souterraine où vit un pauvre fou de Montagnac qui s’appelle Emile Valat et que l’on a surnommé Milou. De là, ces messieurs nous ont quittés pour aller à Montagnac. Quant à nous, nous sommes retournées à la campagne. Vers les 9 heures nous faisions de la musique à 4 mains quand tout à coup la mère de Louise nous a crié : venez voir si vous savez ce que c’est ; on dirait un automobile égaré. Nous ne distinguions rien tout d’abord, mais, à la fin, nous avons reconnu les deux personnages qui n’étaient autres que mon petit Henri Sales et son cousin Georges M. Nous sommes allées à leur rencontre afin de les remettre dans la bonne voie. Après les salutations d’usage mon petit Henri a voulu s’en retourner. Quant à Mr M. nous l’avons amené jusqu’à la campagne. Ces messieurs n’étant pas encore rentrés de leur promenade matinale, nous avons continué notre étude de piano. Je suis parvenue à apprendre l’air de Poupoule à Geo. Enfin, lorsque ces messieurs sont arrivés, après avoir joué quelques morceaux de musique, entre autres, notre fameuse polka à 4 mains, nous avons fait une partie de croquet. J’ai eu la chance d’avoir pour partenaires Geo et M. C. Mes adversaires étaient : Louise, Louis et Gaby. La partie très animée a été interrompue par le déjeuner. A table j’étais entre A. C. et E. J. le repas, ce moment si redouté par moi à cause des conversations qui s’y tiennent, s’est très bien passé. Après déjeuner, nous avons organisé une petite sauterie. J’ai tenu le piano tout le temps, au grand désespoir de ces messieurs. Tant pis pour eux. S’ils s’imaginent que je vais tomber en extase devant leurs quatre poils de moustache et leurs beaux yeux, ils se trompent bien. Le plus naturel d’eux tous est Géo. Aussi, est-ce vers lui que vont toutes mes sympathies. Mais j’ai promis à Louis de ne pas y céder. Je tiendrai parole. M. C. m’amuse beaucoup avec sa bouche en cul-de-poule et ses yeux au plafond. Je n’aime pas les personnes qui ne regardent jamais en face. Cela dénote un manque de franchise. Beaucoup de forme chez lui ; pas de fond du tout. Je plains celle qui sera sa femme ! Nous avons ensuite joué au nain jaune. J’ai eu la chance (chose extraordinaire chez moi) de gagner 4 sous. Il y en aura pour offrir un cigare au papa Lagarde. Les petits papiers ont terminé notre après-midi. Il s’en est rencontré quelques-uns de tordants.
Mais, avant dîner, nous avons vite mis une partie de cachette en train. Elle a été très animée, et j’ai vu le moment où mon pauvre petit cœur allait me jouer un vilain tour. Il était si gentil, si plein de délicates attentions pour moi ! Mais, je me suis domptée ; rien n’a paru. Nous nous sommes séparés comme deux bons camarades, mais rien de plus. Nous avons été tous en chœur l’accompagner jusqu’à mi-chemin de Montagnac, puis il est reparti à bicyclette pour Béziers.

De retour à la campagne nous avons fait de la musique. Le dîner a été très gai. Après dîner, nous avons rouvert le piano ; l’on a chanté, dansé, fait toutes sortes de petits jeux ; des petits papiers, etc.. Minuit nous a surpris jouant au nain jaune. A deux heures du matin, nous avons organisé une sauterie dans le jardin ; il était près de trois heures lorsque nous avons songé à regagner nos dodos respectifs. Ah ! L’exquise journée ! Puisse-t-elle avoir beaucoup de sœurs. Et dire que c’est la présence d’un seul être qui m’a donné tout ce bonheur !

Sur la photo : Henriette (assise) et Claire
Geo rentre à Béziers à vélo, qui est à 30 kilomètres environ… 

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