mercredi 17 décembre 2014

Journal d'Henriette 11-12 octobre 1903

11 octobre 1903

Ce matin, je me suis levée à 7 heures moins ¼ pas trop fatiguée de la veille. Le matin j’ai entendu la messe à l’église des Pénitents à Montagnac. J’ai fait la connaissance de Mme C. elle m’a produit une très bonne impression. A 11 heures nous sommes retournées à la campagne pour dîner ; le repas a été presque triste car les messieurs étaient allés à Béziers voir une course de taureaux. L’après-midi nous sommes allées à Montagnac ; nous nous sommes baladées tout le temps sur l’esplanade en compagnie de Laure Villa et Jeanne Valat cousines de Louise. Le soir, j’ai eu le plaisir de revoir Louise Cabanis, charmante jeune fille que j’estime beaucoup. A 7 heures nous avons repris le chemin de la campagne. Notre soirée musicale fut de courte durée.

12 octobre 1903

Je puis dire que c’est une des plus agréables journées de ma vie ! J’ai fait plus ample connaissance avec Mme et M. C. Au premier abord, ce monsieur a l’air très froid ; il m’intimidait beaucoup. Maintenant que je le connais mieux, je le trouve charmant. Nous avons été toute la journée les meilleurs amis du monde. Ah ! L’aimable caractère ! Toujours un mot pour vous faire rire ! Le matin, Louise et moi sommes allées à Montagnac prendre sa cousine Louise Cabanis. De retour à Campaussel, nous avons pris part à la conversation générale. Pendant le dîner le papa C. qui ne me lâchait pas a voulu être placé auprès de moi, ce qui nous a permis de deviser ensemble tout le long du repas. Après dîner nous avons organisé une petite sauterie. Le papa C. a dit qu’il faisait grève si je ne dansais pas. Pour lui être agréable, j’ai cédé le piano à sa femme et ai dansé presque tout le temps avec lui. Ma foi, vu son âge, il est fort agile. C’est, après Louis, le meilleur danseur de la bande. A 5 heures, à son grand regret, il a dû retourner à Montagnac ; il a emmené sa femme et Mlle Louise Cabanis avec lui. Ne perdant pas de temps, nous nous sommes remis à jouer de plus belle. M. C. a déclamé avec beaucoup de goût quelques beaux morceaux ; entre autres : la mort de Jeanne d’Arc. On se serait cru à la Comédie Française ! Je leur ai servi : Si j’essayais. Cela a fort amusé mon indulgent auditoire. Puis nous nous sommes donné la réplique dans quelques morceaux classiques. Gaby nous a dit : la leçon d’amour c’est assez nigaud !
7 heures ½ sonnaient lorsque nous nous sommes mis à table. A 9 heures nous avons été dans le jardin pour jouer au loup et à l’agneau. Puis nous avons fait une grande partie de barres. Aux exercices du corps ont succédé ceux de l’esprit. A 2 heures du matin nous quittions la salle de jeux pour aller réveillonner. Ce réveillon a été tout ce que l’on peut trouver de plus divertissant ! La maman Lagarde riait aux éclats. Louise et moi avons fumé trois cigarettes chacune. C’était un feu croisé de bons mots, d’histoires drôles. La gaieté la plus franche régnait parmi nous. Jamais je n’avais vu Gaby faire le bouffon comme ce soir-là. Il était désopilant ! A 3 heures ½, nous avons vite mis une petite sauterie en train. Au moment d’aller nous coucher, Gaby a recommencé un

e scène de bouffonnerie qui le rendait presque grotesque. Quelle désillusion ! Moi qui le croyais si sérieux ! Ah ! On a bien raison de dire qu’il ne faut jamais se fier aux apparences ! Il était 4 heures ½ lorsque nous sommes rentrées dans notre dodo, vannées de fatigue mais gardant le souvenir de cette bonne journée. Je me souviendrai longtemps de cette nuit du 12 au 13 octobre !

Le poème que déclame M. C., La mort de Jeanne d'Arc, est un poème patriotique extrait des Messéniennes de Casimir Delavigne et publié en 1818. Casimir Delavigne (1793-1843), totalement oublié aujourd'hui, était encore au début du 20e siècle très présent dans les manuels scolaires.
Sur la photo, au centre, Henri le père d'Henriette. Derrière lui, la main sur son épaule, Louis, le frère d'Henriette.


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